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La zone des Niayes constitue une bande verte bordant le long de la grande côte qui s’étend de Dakar à saint louis sur une bande de 180 km de long et de 5 à 30 km de large. Elle constitue un milieu assez original caractérisé par des dunes et des dépressions souvent inondées par l'affleurement de la nappe phréatique et par un climat assez favorable.
Dans la région de Thiès, elle part de Kayar à Lompoul et couvre les communes de Kayar, Diender, Mont Rolland, Notto, Taiba Ndiaye, Darou Khoudoss Méouane, avec une population estimée entre 250.000 et 300.000 habitants environ.
Elle occupe une place importante du secteur agricole dans la région de Thiès. C’est une zone à vocation maraîchère et fruitière qui dispose d’énormes potentiels. L’eau y est quasi permanente avec une nappe affleurante et le climat côtier est favorable aux types de cultures.
Aussi, les Niayes de Thiès bordent une partie de la façade Nord, longue de 120 km environ, allant de Cayar à Diogo. La pêche artisanale y est pratiquée notamment à Cayar, Mboro et Fass Boye.
Cette zone jadis essentiellement agricole et halieutique, voit se développer l’activité minière du fait de la richesse de son sous-sol. On y note l’exploitation de ressources minières telles que le phosphate, le Gaz (Ngadiaga), le zircon (Diogo), et la perspective du pétrole (Cayar). Il en est de même de l’exploitation de carrières de sables dunaires qui commence à prospérer dans la zone.
Face à cette situation et à l’urbanisation rapide, le secteur agricoles est confronté à la perte de terres de cultures au profit de l’habitat et d’activités antagoniques à son développement.
Dès lors, se pose la problématique de la sauvegarde des Niayes et la cohabitation harmonieuse des activités économiques sur son territoire.
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I- CONTEXTE :
Inclusion et expansion d’activités extractives dans une zone traditionnellement à vocation agricole, induisant des conflits fonciers opposant les populations qui se prévalent de leur droit traditionnel sur les terres et concessionnaires d’exploitations minières.
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A- L’EXPLOITATION MINIERE :
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La zone des Niayes de Thiès est un espace traditionnellement agricole. On y pratique généralement le maraichage, l’horticulture, l’élevage, l’aviculture. Il s’agit essentiellement de petites exploitations familiales. Mais depuis quelques années, on voit se développer des fermes agricoles et avicoles gérées par des organisations ou entreprises locales. Aussi, l’Etat, dans le cadre du PRACAS, a aménagé des fermes agricoles dans les villages de Ngomène et Darou Ndoye dans l’optique de promouvoir l’emploi des jeunes et de l’accroissement de la production et l’exportation.
Cependant, la zone voit de plus en plus se développer des activités extractives avec les mines et carrières de sables dunaires. Celles-ci ont un impact négatif sur l’agriculture et la pêche, car créant des zones d’exclusion pour ces dernières et causant le déplacement de populations, la perte de terres de culture et de pâturage. C’est le cas avec l’exploitation du phosphate avec les ICS- Indorama (industrie chimique du Sénégal) à Mboro, du Gaz à Ngadiaga avec Pétrosen - Fortesa et du Zircon avec la GCO (Grande Côte Opération) à Diogo.
L’exploitation minière a débuté avec l’installation en 1957 de la compagnie sénégalaise des phosphates de Mboro, devenu ICS. Dans sa dynamique expansive, les carrières se développent au détriment des terres agricoles et habitat qu’elles accaparent.
C’est ainsi qu’il y a eu des déplacements et relocalisation progressives de populations au fil des années. Ce qui n’a pas manqué de générer de multiples conflits.
L’exploitation du Gaz dans le village de Ngadiaga a débuté en 2004, par décret n° 2004- 851 du 5 juillet 2004 portant attribution d’une autorisation d’exploitation d’un gisement de gaz naturel aux sociétés Pétrosen et Fortesa international Sénégal LDC, conformément au contrat de Recherche et de Partage de Production d’Hydrocarbures conclu entre l’Etat du Sénégal et lesdites sociétés.
Ce gisement a connu un incendie qui a duré plus de trois mois avant son extinction (du 19 décembre 2020 au 25 mars 2021). Cela pose la question du respect des normes de sécurité. Aussi, les périmètres d’exploitation ne sont pas éloignés des zones d’habitation ni sécurisés. Cela pose de réels problèmes de sécurité environnementale mais aussi civile.
Concernant le Zircon, il est exploité par la Grande Côte Opérations (GCO), Entreprise sénégalaise filiale du groupe Eramet. La mine et les deux usines de transformation sont en service depuis 2014. L’installation de GCO dans la zone a occasionnée le déplacement de populations dans la zone et leur réinstallation par la création de nouveaux villages de recasement avec des infrastructures communautaires de base. C’est ainsi que le nouveau village de Foth a été réinstallé en 2019.
L’exploitation du zircon est aussi envisagée dans la zone de Cayar. Avec la société AIG qui a un permis d’exploration. Cependant, les populations de la localité semblent déterminées à s’opposer à l'attribution d'un permis d'exploration à la société AIG. A cet effet, elles ont organisé une grande rencontre le 08 mai 2021 pour faire part de l’impact négatif que risque d’avoir l’exploitation du zircon sur les périmètres maraichers.
La réhabilitation des sites miniers et des carrières est obligatoire (article 103 code minier), en sus du fonds de garantie imposé pour la couverture des coûts du plan de gestion environnemental. Cependant cette obligation n’est pas toujours respectée.
On peut néanmoins saluer les efforts de la GCO qui procède à la réhabilitation progressive des terres déjà exploitées. D’ailleurs, la première phase de restitution de terres réhabilitées après valorisation est programmée pour cette fin d’année 2021.
B- L’EXPLOITATION DE CARRIERES DE SABLE :
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Elle s’effectue essentiellement dans les communes de Diender et Cayar, notamment dans les villages de Bayakh, Keur Abdou Ndoye, Beer, Tieudème. Il s’agit de carrière privée temporaire dont l’exploitation est autorisée pour une durée maximale d’une année. Les sites d’exploitation sont attribués sur la base de délibération du conseil municipale.
Actuellement, sept (07) carrières temporaires sont autorisées et 05 demandes sont en instruction d’après le chef du service régional des mines et géologie de Thiès.
L’exploitation de ces carrières se fait sous la surveillance des agents du service des mines qui, selon les informations recueillis, dispose de 13 agents pointeurs. Les chargements se font normalement du lundi au vendredi.
Cependant, un tour effectué dans la zone nous a permis de constater le balai de dizaines de camions remplis de sable à toute heure et particulièrement les weekends. Cette situation est même dénoncée par les villageois de Béer, de Mbawane de la commune de Diender et de Keur Abdou Ndoye de la commune de Cayar, qui déplorent la prolifération et l’absence de surveillance des carrières de sable établies dans lesdites communes.
En effet, ils décrient le fait que les exploitants des carrières privées, en l’absence de toute surveillance de l’administration minière, réalisent des excavations pour extraire le sable enfoui après l’épuisement du sable dunaire disponible en surface.
Il y a lieu aussi de déplorer l’absence d’étude d’impact environnemental préalable pour ce type d’activité.
C- L’URBANISATION PROGRESSIVE :
L’accélération du peuplement de la zone est la résultante de plusieurs facteurs, notamment le développement de l’industrie minière, la recherche de terres habitables compte tenu de la proximité avec la capitale Dakar, l’accroissement de la population locale. En effet, la dynamique expansive des ICS avec la progression des mines et le déplacement des populations, associés à l’arrivée de travailleurs venus d’autres contrées, sont à l’origine de l’urbanisation de certaines zones comme Darou Khoudoss, Méouane, Taîba Ndiaye. Le même phénomène est en train de se reproduire avec la GCO.
Aussi, la zone des niayes de Thiès, du fait de son climat favorable et de son accessibilité, est aujourd’hui visée par les promoteurs immobiliers à la recherche de terres pour des lotissements et les coopératives d’habitats.
Par ailleurs, beaucoup de familles de la localité procèdent au lotissement de leurs terres agricoles, ce parce qu’elles n’ont plus les moyens ni les ressources humaines pour les exploiter ; ou pour les besoins d’une dévolution successorale.
On y note aussi de plus en plus d’étrangers venus des pays voisins (Guinée Conakry, Guinée Bissau, Sierra Léone) qui s’activent dans les industries minières ou le maraichage.
Toutes ces paramètres imposent une meilleure surveillance de la zone et des utilisations des terres agricoles dont la préservation reste vitale pour une autosuffisance alimentaire.
II - SITUATION SECURITAIRE :
La situation sécuritaire dans la zone est marquée par la persistance des velléités de troubles à l’ordre public consécutives aux mouvements d’humeur des populations, de manifestations parfois violentes, l’augmentation de la délinquance consécutive à l’urbanisation et au développement des activités économiques.
En effet, des conflits fonciers opposent très souvent les populations impactées par les exploitations minières aux concessionnaires ou aux forces de l’ordre (arrestation suite à des troubles à l’ordre public, violences et voies de faits, destructions de biens).
Ces conflits résultent généralement de désaccords sur les barèmes d’indemnisation. Ce fût le cas à Tobène où depuis janvier 2020 les populations avaient bloqué les travaux de décapage des ICS et le projet d’avancement de la mine. Elles contestent l’application du barème consensuel départemental d’indemnisation de 1 million 050 mille francs Cfa et demandent une indemnisation de 20 millions par hectare qui sera à même de compenser les dégâts collatéraux selon elles.
Cependant, les populations sont toujours perdantes, étant donné qu’il ressort du code minier que « les substances minérales contenues dans le sol et le sous-sol du territoire, ses eaux territoriales et son plateau continental sont la propriété de l’Etat ». Et, la cause d’utilité publique est toujours primordiale sur l’intérêt particulier.
Aussi, les populations de certains villages ont effectué de multiples sorties sur la voie publique liées aux problèmes d’eau. En effet, « les impacts miniers sur l’environnement posent d’abord la question de la survie des populations, car il s’agit de la perte des ressources locales (eau, terre). Il est reproché aux exploitations minières l’utilisation massive de la ressource en eau et l’appauvrissement de la nappe au détriment du maraichage.
Par ailleurs, certaines populations ne manquent pas de montrer leur désillusion face aux promesses d’emplois, de meilleures conditions de vie ou le manque de profit venant de l’exploitation des ressources de leurs localités. Ils jugent dérisoire l’apport des entreprises dans le cadre de la RSE (responsabilité sociétale d’entreprise).
A Diogo, les populations se plaignent du délaissement de leur localité qui reste confrontée à d’énormes difficultés, surtout l’absence d’infrastructures de base. Un seul poste de santé polarise plus de 23 villages. Aussi la seule route principale (route des Niayes) est cahoteuse, rendant difficile l’écoulement de leurs productions maraichères et horticoles.
Relativement à la délinquance, elle est maitrisée (source gendarmerie). Avec le développement des activités minières et l’urbanisation progressive, les Niayes de Thiès sont de plus en plus confrontés à de nouvelles formes de délinquance. Il s’agit particulièrement des cambriolages, vols simples et aggravés, du trafic de drogue, la prostitution et le trafic de migrant (les zones de pêches comme Cayar et Mboro sont des points d’embarcation pour l’émigration clandestine).
Le maillage sécuritaire demeure peu étoffé. En effet, la zone des Niayes de Thiès dispose de quatre (04) brigades de gendarmerie pour 07 communes : Pout, Mboro, Cayar, Diogo qui sont dans le ressort de la Compagnie de Gendarmerie de Thiès. Une brigade de proximité doit ouvrir ses portes très prochainement dans la commune de Diender.
Aussi, la brigade environnementale de la Gendarmerie fait souvent des incursions dans le secteur, en appoint à la Compagnie de Thiès. Mais elle devrait avoir un point d’attache dans le secteur pour renforcer la surveillance.
Il est également prévu la création d’une légion maritime qui sera chargée de la surveillance côtière entre Dakar et Saint-Louis. Cela permettre de mieux sécuriser les activités minières qui s’exercent sur le littoral, mais aussi maritime (pêche, exploitation du pétrole offshore).
Les services des Eaux et Forêts basé dans les centres départementaux (Thiès et Tivaoune) et disposent de brigades de triage dans les communes d’arrondissement.
Concernant les services de l’environnement, ils sont quasi absents. Généralement c’est un seul agent qui est toujours appuyé par la Gendarmerie lors des interventions.
La surveillance est aussi effectuée par le service des mines et géologies. Seulement, ses agents qui ne sont pas assermentés peinent à verbaliser et à imposer des sanctions aux contrevenants.
III – RISQUES :
La zone des Niayes de Thiès constitue une zone aux enjeux économiques, environnementaux et sociaux multiple
A/ MENACES :
Les Niayes de la région de Thiès fait partie d’une une zone d’horticulture, d’exploitation minière et d’élevage intensif ; en sus de la pêche qui s’exerce sur sa façade maritime. Toutes ces activités de grande importance pour l’économie nationale doivent cohabiter harmonieusement pour l’intérêt du pays et celles des populations et collectivités territoriales impactées. Les frustrations accumulées des populations locales laissent une porte ouverte à des déviances pouvant être